C’est une étrange découverte faite il y a quelques jours, dans la garrigue, au centre d’un mur de pierre. Autour, peu de vestiges, une pierre taillée, une autre polie.
L’endroit est désert. Seuls les chênes , les cades les serpents et les tiques habitent ce lieu puissant ou l’homme ne vit plus depuis bien longtemps.
Ce jour là, le vent souffle fort, et une branche de chêne vient arracher quelques pierres découvrant une cavité :
Juste un trou de quelques centimètres de large, juste assez pour passer un bras ou la tête, prendre des photos.
Ces photos les voici:


Nous choisissons de scruter l’intérieur avec une lampe, il est vide, nous prenons des photos.


Au vu de l’état intact de la cavité, nous décidons de la laisser ainsi, et de revenir dans quelques jours avec un peu de matériel, pour dégager suffisamment l’entrée et pouvoir s’y introduire.
Une cache? une capitelle oubliée? un lieu caché en tout cas.
LA SUITE DANS QUELQUES JOURS…
Le Mystère de la capitelle murée :
– suite et fin –
« Breupppp, breupppp, … », mon téléphone vibre. Je viens de recevoir le MMS d’un membre de l’association Pan de Lune. Regardant alors avec attention les photographies reçues, je me rends compte qu’elles sont difficiles à interpréter. Ma curiosité s’éveille. Il me propose d’aller sur place donner mon avis. Le rendez-vous est fixé à dans quelques jours …
Par une belle après-midi printanière, nous voilà donc chargés d’outils et d’enthousiasme, marchant en direction du théâtre des opérations.
Qui sait, il y a peut-être la tombe de Vix héraultaise à mettre au jour !
Après avoir traversé une vigne, nous arrivons sur le site par le Nord.
Immédiatement, nous tombons face à un mur en pierre sèche orienté Est-Ouest. Relativement massif, les pierres qui le constituent sont en majorité celles qui furent extraites de la parcelle de vigne. Ce mur sépare cette terre arable au Nord, d’une parcelle dont la roche calcaire affleure très rapidement, au Sud. Il est alors aisé de penser que cette dernière fut jadis dédiée aux bergers et chevriers.
En arrivant donc sur les lieux, mon œil est rapidement attiré par une sorte de dôme intégré dans l’architecture du mur. En y regardant de plus près, une grosse pierre plate (lauze) est visible sur le sommet de ce dôme. C’est ce que l’on appelle une pierre sommitale, élément clé dans la conception d’une capitelle (cabane en pierre sèche). Elle est en partie responsable de la solidité de la partie supérieure de la capitelle, la voûte étant en encorbellement.
Après être passés par-dessus le mur, nous nous retrouvons face à l’entrée. Effectivement, elle n’est maintenant plus qu’un petit trou obstrué par des blocs. Nous en sortons quelques-uns afin de pouvoir pénétrer plus aisément la structure.

Après une rapide réflexion, nous concluons que nous sommes bien face à une capitelle comprise dans l’architecture d’un mur en pierre sèche et dont l’entrée est tournée vers le Sud (parcelle dédiée au bétail). L’orientation devait être appréciable en hiver, l’ensoleillement étant plus long. Et pendant les étés ou le cagnard cogne, l’épaisseur des murs garantissait un minimum de fraicheur.
Maintenant, reste à savoir pourquoi cette capitelle était obstruée, et tenter de la dater. D’après moi, il n’y a pas eu une volonté de condamner l’entrée. Ou alors, la raison n’est pas évidente à comprendre. Les blocs sont tombés avec le temps. Ils proviennent du somment de la capitelle et du couloir (env. 106 cm de L. et 30 cm de l.) menant à l’entrée. Heureusement que le linteau a résisté, sinon, nous aurions cru avoir affaire à un tas de pierre (clapas) !
Tel Howard Carter, une fois équipé de lampes, nous pénétrons dans la construction.
Elle est en excellent état.
L’effondrement l’avait en quelque sorte scellée. Ah oui, je tiens à souligner que certains membres de l’association sont plus agiles que d’autres ! A l’intérieur, pas grand-chose… Une petite niche, et un bloc posé sur le sol, qui fait un trône parfait pour régner dans ce palais. Un tour sur nous-même permet de repérer les habitantes des lieux : de belles araignées que l’on n’aimerait pas avoir dans son tee-shirt. Tantôt méfiantes ou hardies, elles assistent au spectacle en grignotant des moustiques. Au vue de leur nombre, il n’y a aucun respect des normes sanitaires !
Puis, notre regard se pose sur quatre pierres comprises dans l’architecture interne. Parfois, il y a des gravures dans les capitelles.
Le plus souvent des noms.
Et bingo, nous y découvrons cinq graffitis : « Maria » et « Joseph », « Gui… » (?), « J.M.E » et d’étranges formes ovales. Combien de personnes ont réalisé ces gravures (deux au minimum) ? Se connaissaient-elles ? L’ont-elles fait en même temps ? A quelle époque ? Tant de questions peuvent se poser…Nous pourrions tenter d’y répondre en se penchant sur les actes d’état civil des villages voisins. Tâche fastidieuse… Ou alors, laissons aller notre imagination.


Il est difficile de dater l’architecture vernaculaire locale. Bien que de nombreuses capitelles n’ont pas plus de cent ou deux-cent ans, d’autres constructions peuvent être beaucoup plus anciennes, mais souvent remaniées.
C’est pour cela que nous décidons de pratiquer une très légère fouille du sol.

La surface est décaissée de moitié et de manière planimétrique à l’aide d’une petite pelle et d’une truelle d’archéologue. Les déblais sont entreposés à l’extérieur. Rapidement, des blocs relativement plats apparaissent. Au premier abord, nous pensons à une sorte de dallage. Mais à y regarder de plus près, nous arrivons à la conclusion que nous sommes en présence du substrat calcaire fragmenté.

Nous relevons la présence d’une très légère couche cendreuse au niveau du « trône » et de quelque petits charbons parsemés ici et là. La couche terreuse couvrant le substrat est homogène. Nous avons tout simplement affaire à de la terre, présente avant la construction, ou bien déposée après pour niveler le sol. Nous ne trouvons par la suite aucun artéfact.
La « fouille » terminée, nous re-murons le lieu à l’identique.


Peut-être que dans 100 ans, d’autres curieux se poseront la même question que nous. Sauf qu’ils devront faire de l’archéologie de l’archéologie en plus !
Nous pouvons donc conclure que l’entrée de cette capitelle fut probablement obstruée par le temps. Elle ne renfermait rien de particulier, mais est admirablement bien conservée.
Rappelons encore une fois que ce petit patrimoine local, témoin du travail de nos anciens et rythmant notre paysage, doit être préservé dans la mesure du possible des destructions causées par le temps et les Hommes, et pourquoi pas mis en valeur.
De plus, nous nous sommes permis de légèrement « gratter le sol » car il y avait de fortes chances de ne pas tomber sur quelque chose d’exceptionnel. Tout au plus sur une boite de conserve.
En outre, nous possédons un socle de connaissances techniques en archéologie non négligeable. Jamais nous ne nous serions autorisés à faire cela sur un site présentant un fort potentiel archéologique. L’association étant en contact étroit avec des archéologues et le Service Régional de l’Archéologie, nous déclarons toutes nos découvertes.
Quentin, membre de l’association.